À 420 milliards d’euros en Europe, le marché de la Silver Economie est au début d’un développement important. Il est prévu de dépasser les 1000 milliard d’euros en 2019. Cependant, certaines solutions se déploient plus rapidement que d’autres. Lors d’une étude sur les Silver Economies réalisée en 2011 et 2012 auprès des acteurs du secteur, plusieurs facteurs clés de succès ont été identifiés. En voici 10.
1) Répondre à un besoin tangible et de nécessité
La crise économique, la baisse perçue du pouvoir d’achat et l’avenir incertain (prévision d’une croissance potentielle du PIB des 27 pays européens de 1,7 % jusqu’en 2020), réorganisent lourdement et rapidement les consommations des Européens. Les priorités des achats sont redéfinies par les clients, les hiérarchies dans les besoins évoluent. Ainsi, certains achats sont réduits (automobile, immobilier…), voire supprimés (achats impulsifs chez 46 % des Boomers) alors que d’autres résistent (santé, bien-être, maintien à domicile…). Ces derniers, qui progressent ou restent stables sont basés sur des besoins de nécessité et de tangibilité. Ainsi le déploiement des solutions basées sur la sécurité et la santé est plus robuste.
2) Prendre en compte les concurrents directs et indirects
Les Silver Solutions sont nombreuses et plusieurs sont concurrentes, même si elles n’utilisent pas des bases technologiques identiques. Mais au-delà, les Silver Solutions sont aussi en concurrence avec d’autres investissements dans l’aménagement du logement pour le maintien à domicile. Par exemple, une famille peut invertir dans l’aménagement d’un escalier aux dépens d’une Silver Solution. Et l’installation d’un chemin lumineux peut être écartée au profit de l’aménagement d’une baignoire à porte (voir le Baromètre Silver Economy 2011).
3) Garantir une forte affinité générationnelle de la technologie
Proposer des tablettes numériques à une personne de 80 ans peut sembler une bonne idée sur le papier, mais sur le plan économique beaucoup plus risqué. En effet, cette technologie présente un taux d’affinité faible avec cette génération, qui n’est pas habituée à informatique, ni même à l’acte de toucher un écran. Ainsi, convaincre une personne âgée de l’utilité de cette solution et ensuite la former augmente, fortement, son coût d’acquisition/client et baisse sa rentabilité.
Les Silver Solutions qui se développent le plus facilement sont celles qui présentent une cohérence infinitaire forte technologique/utilisateurs. Autrement dit, développer une solution autour d’une technologie déjà utilisée par les utilisateurs potentiels est un avantage certain. Les téléassistances traditionnelles avec médaillon sont entrées dans les mœurs alors que le développement des téléassistances dites « 2.0 » est plus lent.
4) Prendre en compte le couple aidant/aidé
Comme l’indique le « Baromètre Silver Economy 2011 », la décision d’achat de certaines gérontechnologies se prend en famille et surtout par le couple aidant/aidé. L’aidant étant souvent concerné en tant que coutilisateur et comme prescripteur de la solution dans 37 % des cas. Ainsi, il est important de prendre en compte les besoins et les attentes des deux personnes dans ce « couple ». L’aidé cherchant souvent la sécurité, tandis que l’aidant voulant sa liberté et la sérénité (savoir son aidé en sécurité). La Silver Solution, sa technologie, son positionnement et sa communication doivent répondre aux besoins du couple « aidant/aidé » dans les cas concernés.
5) Bien choisir sa cible marketing et son positionnement pertinent
Entre une personne âgée avec des enfants proches, ou une autre dont les enfants habitent à l’autre bout de la France, entre une personne résidant en ville et une autre propriétaire d’une maison à la campagne… les besoins en termes de gérontechnologie varient. Les facteurs explicatifs d’achat sont nombreux : âge, santé, degré d’affinité avec les technologies, revenus, relations familiales, caractère des personnes, présence de services à la personne, politiques publiques locales… C’est une des raisons de la nécessité de quantifier son marché de manière raisonnable.
Ensuite, certains marchés comme les téléphones simplifiés (Emporia, Doro, Clarity…) sont, pour le moment, souvent trop limités pour intéresser fortement les grands acteurs, mais sont intéressants économiquement pour les PME.
6) Quantifier son marché de manière objective
Il n’existe pas un marché des gérontechnologies, mais plusieurs marchés. Une des principales erreurs est de quantifier son marché avec les seuls critères démographiques, facteurs d’âge ou de générations. Il est nécessaire de déterminer les facteurs explicatifs d’achat d’une Silver Solution, pour mesurer, de manière plus précise, les tailles des marchés. Ainsi, pour beaucoup de technologies, le marché potentiel ne se chiffre pas en millions, mais en dizaines de milliers d’unités.
7) Bien choisir un canal de distribution
La distribution BtoC est le maillon faible d’une partie des solutions existantes. En dehors des commerces « médicales » comme Bastide, de la VAD comme Damart, les canaux de vente à destination des seniors sont réduits. Les ventes en direct via des mailings aboutissent fréquemment à des coûts d’acquisition importants. Les enseignes de type GSS refusent souvent d’intégrer les gérontechnologies dans leurs rayons en raison d’une rentabilité faible ou d’une incohérence entre les cibles. Certains circuits de vente sont prometteurs pour quelques produits : agences de services à la personne, audioprothésistes, pharmacies, caisses de prévoyance, mutuelles…
8) Étudier une solution pérenne de financement
Plusieurs acteurs ont basé leur business model sur une hypothétique prise en charge de leurs solutions par des établissements tiers (mutuelles, CRAM, conseils généraux…). Or les budgets de nombre de ces acteurs (ex. : conseils généraux) vont être de plus en plus contraints dans les prochaines années. Il est presque certain que les familles (et les usagers) devront assumer les coûts d’utilisation de ces technologies. Sauf à prouver de manière précise et réaliste les gains économiques pour ses organismes.
Par exemple, certaines solutions permettent de réduire les chutes des personnes âgées. Et, des acteurs comme les mutuelles, des caisses de prévoyance pourraient réduire leurs coûts en réduisant le nombre de personnes dépendantes suite à des chutes évitées (en 2011, il y a eu plus 450 000 chutes chez les plus de 65 ans, soit un « coût direct médical » estimé à plus de 1 milliard).
9) Se développer dans les pays « silverphiles »
Tous les pays développés, notamment en Europe, ne présentent pas les mêmes niveaux de développement des Silver Solutions. Ces différences peuvent s’expliquer par des variations en termes de démographie, de taux du vieillissement, relations intergénérationnelles, politiques publiques de soutien au développement… En Europe, l’étude « Gerontotechnologies in Europe », publiée en 2011, liste la Grande-Bretagne, la Suède, l’Allemagne et l’Espagne comme les pays les plus mûrs. La France étant présentée comme un pays à potentiel important.
10) Apporter une forte valeur ajoutée
La crise économique et la globalisation de l’économie nous montrent tous les jours que les entreprises européennes vendant des produits à forte valeur ajoutée se portent mieux. Les autres sont souvent en concurrence directe avec des acteurs des pays en voie de développement ayant des coûts salariaux, sociaux et environnementaux plus faibles. En Europe, les entreprises allemandes se sont en partie positionnées sur une stratégie de qualité avec une forte valeur ajoutée.
Une grande part de l’industrie française est positionnée sur des produits à plus faible valeur ajoutée et elle connaît ainsi plus de difficultés. Il est possible, pour certains acteurs de la Silver Economy de se positionner sur des produits et services à haut niveau d’innovation et à forte valeur ajoutée, ce qui a aussi l’avantage de pouvoir maintenir, plus facilement, l’emploi en France.